5ème édition du festival « Superspectives »

Transformer le temps d’une vingtaine de jours la maison de Lorette en lieu de rencontre, de convivialité, d’agrément, de musique et de concerts.

La maison de Lorette (42 montée saint Barthélémy, Lyon 5) appartient aux Œuvres Pontificales missionnaires, un organisme du Saint-Siège pour soutenir la vie de l’Evangile et la mission dans le monde. Accrochée à la colline de Fourvière, elle offre un cadre extraordinaire, tant par la vue sur la ville que par ses terrasses, endroits de rêve, surtout en été, surtout si l’on peut y boire un verre avec des amis, surtout si l’on peut y écouter et découvrir une programmation musicale de qualité.

Terrasse nord, l’accès est gratuit. Il y a un bar avec restauration légère de 16h à minuit. Sur le coup de 17h ou 18h30 selon les jours, une animation musicale.

Terrasse sud, à 20h30, de la musique contemporaine, un festival de « musiques ouvertes ». Juste à côté, ce sont les Nuits de Fourvière ; là, c’est davantage l’ambiance d’un club de jazz, où l’on entend aussi bien Erik Satie qu’Olivier Messiaen, des partitions de ces vingt dernières années, de la « musique du monde » (basque ou éthiopienne par exemple). La programmation ne craint pas la musique sacrée, du grégorien à l’électro-acoustique.

L’ouverture, vendredi 16 a donné le ton. La terrasse nord accueille, on s’installe, profite du cadre, se pose pour un moment, et se prend à rêver sur une programmation de musique africaine, latine et des Antilles. A 20h30, terrasse nord, Emmanuelle Parrenin et Arandel font découvrir des demeures inouïes. La base et folk, mais les arrangements nous tirent dans des harmonies d’aujourd’hui. Le subtil mélange et glissement d’une esthétique à l’autre brouille la chronologie et fait seulement habiter paisiblement le lieu, et peut-être ainsi un peu le monde. « La nuit est plus étoilée qu’on le croit, le ciel plus lumineux » chante E. Parrenin.

Il y a beaucoup d’autres affiches à découvrir. On attend avec impatience les Vingt regards sur l’enfant Jésus le samedi 24 et la réinterprétation de la musique d’Hildegarde von Bingen le 29, ou la soirée Jazz du 21 « une fête avec François Tusques ».

Alexandre Tharaud / Benjamin Millepied

Trois soirs de suite, lors des Nuits de Fourvière, le pianiste et le danseur font partager leur rencontre, peut-être leur amitié, en tout cas, leur passion pour la musique et la danse. Ils ont des choses à se dire, des musiques à partager et à écouter ensemble, à danser ensemble.

Le cadre du théâtre antique, la nuit sur la ville voient leur magie propre pâlir à côté de celle qu’offrent les deux artistes. Le chorégraphe se remet à la danse et les deux solistes, comme sur un tapis volant, nous transportent au monde de la complicité, de la douceur, des facéties, de la violence parfois.

On multiplie les techniques et dispositifs, peut-être un peu trop. Parce que la dernière sonate de Beethoven ne s’écoute que les yeux fermés, et qu’il faut bien les garder ouverts si l’on voir ce qu’en souligne le danseur, ce qu’il aide à en entendre.

On ressort en se demandant où l’on a été pendant cette grosse heure passée en leur présence. Si, si, c’était bien la vraie vie, ce n’était pas un rêve. La vie peut donc être si belle ! Merci

Le crocodile trompeur / Didon et Enée

Molière du meilleur spectacle musical 2014, Le crocodile trompeur poursuit sa route et fait halte quelques jours au TNP (Villeurbanne). C’est jubilatoire et poétique, du théâtre, du mime, de la musique baroque, mais pas seulement, et peut-être pas d’abord qui devient ou provient du Jazz voire de la musique répétitive. La performance des acteurs est bluffante.

Comment un amour, une passion amoureuse peut-elle ne pas être une vie de bonheur et de jouissance ? Cela ne tient pas debout. C’est pourtant ce que raconte le Didon et Enée de Purcell (1659-1995). Incohérence pour incohérence, loufoque et surréaliste, allons-y pour creuser ce que le sérieux tragique ou le tragique pris au sérieux empêche de voir et d’entendre.

Le spectacle s’ouvre par un discours sur l’harmonie des sphères. Le ton est donné. Depuis l’Antiquité jusqu’au 17ème siècle, il dit la cohérence, le monde où tout prend sens, au point de faire oublier que cela ne marche. Tout est quiproquo. Comment se comprendre quand on s’appelle What ?
– « What is your name ? »
– « Wath » que l’interlocuteur bien sûr comprend comme une question « Wath ? »
Impossible d’en sortir. Vole en éclat la rationalité du monde.

De même, est-ce drame ou comédie, Enée dit rester mais part alors que Didon lui intime l’ordre de partir jusqu’à en mourrir. Que croire ? Que penser ? Où est l’harmonie des sphères, l’harmonie du macrocosme qui n’est autre que celle de la vie de chacun, microcosme ?

Hypocrisie du discours du divin, et de celui de l’harmonie ? Le livret de Purcell le dit :
« Ainsi sur les rives fatales du Nil pleure le crocodile trompeur.
Ainsi les hypocrites, coupables de meurtre, en rendent le ciel et les dieux responsables. »

Peut-être, quelques longueurs dont on s’étonne qu’elles n’aient pas été coupées depuis que le spectacle est donné. On finit, non pas dans l’hypocrisie des larmes de crocodile, mais complètement désorienté, il n’y a plus de nord. La compagnie La vie brève où tous sont autant acteurs que musiciens, metteurs en scène, concepteurs du spectacle, etc nous donne le tournis. Superbe musique de la fin de l’opéra et burlesque de tout ce que l’on a vu et entendu ; ça ne tourne pas rond, mais c’est pourtant si beau, émouvant et drôle.

Hommage à Henri DUMAS

Henri Dumas, prêtre du diocèse de Lyon, est décédé en 2021. Depuis, il n’y avait pas eu d’hommage ou remerciement à celui qui a composé de nombreux chants liturgiques, en particulier monastiques, a harmonisé de nombreuses partitions pour que les chœurs liturgiques ou les chorales puissent s’emparer du répertoire tant chrétien que profane. L’activité de chef de chœur exigea d’Henri Dumas qu’il arrange pour trois voix égales ou quatre voix mixtes des titres de variété où il savait repérer la justesse tant des textes que des mélodies.

Le programme était plus que riche, donnant à entendre, en plus du répertoire déjà évoqué, des compositions superbes de musique sérieuse comme disent les Allemands. C’est là sans doute la part la plus originale de la production d’Henri Dumas. Délicate, discrète, secrète comme sa manière de vivre. Musique dite contemporaine, rarement éloignée du jazz, mais qui a bien des occasions rivalise avec celle des plus grands, Ohana et Ligeti par exemple.

On annonça qu’il n’y aurait point de discours. La musique a parlé, comme dans cette chanson de Bécaud qu’aimait particulièrement Henri Dumas. Plus que l’audace d’un prêtre qui fait chanter à une chorale « ton paradis j’m’en fous ; mon paradis, c’est elle, c’est tout », les paroles du début « Charlie, tu fais honte à ton diocèse » doivent être mesurées non à l’amour de Charlie, plus occupée de sa belle que de Dieu, mais au regard – que l’on comprend mesquin – du diocèse…

Le Rhaspsodia Ensemble Vocal dirigé par Laurent Grégoire a non seulement rendu possible cet hommage, mais fait entendre l’œuvre d’un disciple. Elle écoute et fait résonner nos vies ; elles ont la vibration de la vie de Jésus, jusque dans les miniatures de l’instant que sont les trois Haï Kaï et douze des Racontines sur de courts textes de son ami Didier Rimaud.

Adam LALOUM, superbe et imprécis

Adam Laloum dans Schumann et Schubert salle Molière vendredi 3 mars. Il y avait de quoi être alléché ! La taille de la salle permet une intimité avec le piano, exactement à l’inverse des méga-salles que l’on veut économiquement rentable. Les Lyonnais peuvent se réjouir des cycles de musique pour piano ou tout petites formations dans la salle de l’ancien conservatoire.

Le jeu de Laloum est impressionnant. A peine si, par moment, il touche le clavier. La percussion devient caresse, juste une mise en vibration des cordes. Superbe.

Cela dit, ce vendredi soir, le pianiste avait dû faire la fête. Beaucoup trop de notes à côté. Dommage.

G. Rossini, Moïse et Pharaon, 1828

Opéra de Lyon, janvier 2023

Le bel canto en français et sur un sujet biblique. Cela étonne. Est-ce que cela emporte l’adhésion ? Telle n’est pas vraiment la question. Le Festival 2022 d’Aix-en-Provence a présenté la partition dans la mise en scène de Tobias Krazer. Clément Lonca, tout jeune chef et assistant du chef attitré la dirigeait le 24 janvier à Lyon. Ce n’est pas rien de découvrir ce Rossini assez peu connu, qui écrit un opéra en français, qui se montre créatif pour des solistes, bien sûr, mais pour les chœurs et encore pour l’orchestre. Le postlude en particulier et la musique de ballet sont vraiment superbes.

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